2021-09-01

Imprégnation sociologique | Au cœur de l’acte de création

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En éthologie, l’imprégnation caractérise l’instauration d’un lien privilégié entre l’homme et l’animal. Il ne s’agit pas d’une domestication à proprement parler. Plutôt de l’opportunité dont l’homme dispose de s’accaparer les réalités de la vie sauvage par l’observation. Et ce, sans chercher à capturer l’animal en lui-même. Mais bel et bien l’essence de ce qui compose ce qu’il est et son quotidien. Chasse, reproduction, relations avec ses congénères et les autres espèces, organisation… Voilà déjà de quoi mettre sur la voie de ce qui constitue l’imprégnation sociologique.

En psychologie, l’imprégnation est synonyme d’empreinte. Celle laissée par un événement heureux ou, au contraire, traumatique. Et dont l’écho se propage des années après, parfois même durant toute une existence. Un événement de ce type a lieu dans un certain contexte. En d’autres termes, un environnement spécifique incluant des relations sociales et des interactions qui le sont tout autant. En sociologie, ces interactions constituent l’un des trois mécanismes à la base du processus de socialisation de chaque individu dès son plus jeune âge. Les deux autres étant constitués par l’inculcation – supposant la contrainte – et l’imprégnation – ou familiarisation – qui repose sur l’observation, encore elle. Ainsi que sur l’imitation.

Que recouvre l’imprégnation sociologique dans le cadre de l’acte de création ? Que suppose t’elle en termes d’intériorisation des valeurs et des normes d’une part ? En termes d’influence des agents de socialisation constitués par la famille, l’éducation, les médias et les groupes de pairs d’autre part ? Enfin, en termes d’impacts sur la création audiovisuelle, lorsqu’il s’agit de concevoir le processus de socialisation non plus comme la seule manière dont la société forme et transforme les individus. Mais aussi et surtout comme un levier à part entière d’une créativité qui existe, qui se renouvelle, qui soit utile et qui puisse, en prime, partager du sens ?

Rencontre avec des territoires différents

L’imprégnation sociologique induit avant tout une rencontre. Puis un échange avec l’autre, peu importe si celui-ci est éphémère ou plus durable. Cet échange donne lieu à une transmission d’informations. Mais également à une association ou une confrontation de valeurs. En d’autres termes, des idéaux auxquels un certain nombre d’individus adhèrent. Dans cette perspective se forment les contours d’une création originale pouvant influer sur les normes. Soit pour les renforcer, soit pour les faire évoluer.

La créativité tout comme l’acte de création passent donc par la capacité à imaginer et à créer ensemble. En outre, à se représenter les choses en pensée. Le but ? Changer ou introduire quelque chose de nouveau dans une chose établie (innover), ou créer quelque chose de complètement nouveau (inventer). Quels territoires physiques, mais également intérieurs, reste t’il à rencontrer pour transfigurer l’émotion à travers des productions audiovisuelles qui transcendent la seule notion de cibles ? Ces mêmes territoires ont-ils d’ailleurs suffisamment été considérés dans les stratégies promotionnels et médiatiques de ces dernières années ? Comment favoriser l’imprégnation sociologique des acteurs de la communication pour repositionner cette dernière au cœur de l’acte de création ?

La curiosité fait le plaisir. Le plaisir, l’engagement

L’imprégnation sociologique attachée à l’acte de création pourrait supposer de considérer autrement les territoires et les acteurs que l’on rencontre, tout autant que les audiences auxquelles la création va finalement s’adresser. Ainsi, ces audiences “malaxées et façonnées” pendant plusieurs années telles des “pâtes molles” – en référence à Simone de Beauvoir dans Le Deuxième Sexe paru en 1949 – ne sont plus. Leurs évolutions quant à leur représentation du message promotionnel, quant à celle aussi de l’acte d’achat en lui-même, induisent que ces deux derniers dépassent désormais la seule identité de consommateur téléguidé par une récurrence de crédos publicitaires sans fond.

À l’heure actuelle, chaque individu se reconnaît et s’engage plus qu’il n’achète. Et à l’heure du digital, son processus de socialisation n’a jamais été aussi exacerbé. D’où la nécessité pour les professionnels de la communication, du marketing et des médias de dépasser les seules données remontées par le web. Objectif : se reconnecter “en vrai” à une curiosité vis-à-vis des mondes qui entourent celles et ceux à qui ils souhaitent s’adresser. Pour initier à nouveau le plaisir de l’échange de valeurs et susciter l’engagement. Mais pas seulement.


Imprégnation sociologique : levier de renouvellement créatif

Si c’est grâce à la créativité que nous vivons dans le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui, c’est en lui conférant du sens en plus d’une utilité que nous bâtirons celui dans lequel nous vivrons demain. Cela commence par une introspection intime. Mais aussi, comme le qualifiait Friedrich Nietzsche en 1888 dans son livre Le Crépuscule des idoles, par l’apprentissage de voir. Longtemps et lentement.

L’imprégnation sociologique rime avec action. Elle permet à chacun d’apprendre sans savoir qu’il apprend. Et très souvent, sans savoir ce qu’il apprend. Elle mène à la solution du problème que se pose initialement le créateur, à l’action utile. Plus encore : elle fait résonner les émotions de telle sorte à créer du lien entre les instigateurs de la création – annonceurs et créateurs – et les gens. Dans cette optique de pleine considération des êtres plus que des personae, l’imprégnation sociologique devient vecteur de reconnexion à des pans infinis de la création. Elle se mue en une formidable aventure humaine, au contact de multiples réalités comme autant de sources d’inspiration et de renouvellement d’un monde tel qu’on désire le créer pour le vivre intensément.

Florian Merle